Ô partage
« Tant que vous demeurez néo-zélandais et moi hindou, il sera absurde de parler de l’unité de l’homme. Comment pouvons-nous nous rencontrer en tant qu’êtres humains si vous dans votre pays et moi dans le mien conservons nos préjugés religieux respectifs et nos comportements différents dans la question économique ? Comment peut-il y avoir fraternité tant que le patriotisme sépare l’homme de l’homme, que des millions de personnes sont dans le besoin et d’autres dans l’abondance ? Comment l’unité humaine peut-elle exister tant que des croyances nous divisent, que certains groupes exercent sur d’autres leur domination, que les riches sont puissants et les pauvres avides de cette même puissance, que les terres sont mal distribuées, que certains sont bien nourris et des multitudes souffrent de la faim ?
Une de nos difficultés est que nous ne sommes pas tout à fait déterminer à changer cet état de choses, parce que nous ne voulons pas que nos vies soient bouleversées. Nous préférons modifier la société dans la mesure où cela nous serait avantageux et ainsi nous ne nous préoccupons guère de notre vide intérieur et de notre cruauté.
Pouvons-nous parvenir à la paix par la violence ? La paix peut-elle s’obtenir graduellement, par le lent processus du temps ? L’amour n’est certes pas affaire d’entraînement ou de temps. Les deux dernières guerres ont été, je crois, un combat pour la démocratie ; et maintenant nous nous préparons à une guerre plus vaste et plus destructrice et il y a moins de liberté qu’avant. Mais qu’arriverait-il si nous nous débarrassions des obstacles qui barrent la route à l’intelligence, tels que l’autorité, les croyances, le nationalisme et tout l’esprit hiérarchique ? Nous serions des personnes ne subissant le joug d’aucune autorité, c’est-à-dire des êtres humains en rapport direct les uns avec les autres, et alors, peut-être y aurait-il de l’amour et de la compassion. »
Jiddu Krishnamurti dans « De l’Éducation », p.96-97